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LA MENOPAUSE, ANATOMIE D'UNE METAMORPHOSE

Aline Chenu • 11 mars 2024

Encore trop souvent perçue comme une pathologie, la ménopause est un processus naturel vécu chaque année par 500 000 Françaises (1) qui rejoignent les 14 millions de femmes ménopausées (1), soit 20% de la population de notre pays d’après les derniers chiffres de l’INSEE (2). Et pourtant, notre société a encore des difficultés à en parler, passant cette période de la vie presque sous silence, laissant ces femmes peu ou mal accompagnées.

Aujourd’hui, je vous propose de lever le voile sur la biologie du dernier tabou féminin (3).

MENOPAUSE

⏱️ La ménopause, une pause qui prend son temps

Du grec mêniaia, «menstrues», lui-même dérivé de mêno, mois, et pausis, cessation, la ménopause survient entre 45 et 55 ans et correspond à l’arrêt du fonctionnement des ovaires et à l’absence de règles depuis au moins 1 an.

Or, le corps ne se réveille pas un beau matin en ménopause. Les femmes constatent et vivent des modifications physiques et physiologiques bien avant cette « bascule ».


C’est ce qu’a révélé la vaste étude épidémiologique SWAN (Study of Women’s Health Across the Nation) lancée aux Etats-Unis en 1994. L’étude SWAN documente ainsi pour la 1ère fois les changements physiques, physiologiques et sociaux en suivant plus de 3000 femmes américaines en période de ménopause et de périménopause entre 1996 et 1997 (4).

La périménopause précède la ménopause. Elle peut durer entre 2 et 8 ans et ainsi entraîner des troubles dès la quarantaine.

 

🌿 La ménopause, un processus naturel

Pour mieux comprendre ce qu’il se joue dans le corps féminin à cette période, voici un intermède de physiologie.

Environ 1 million à la naissance, les ovocytes sont contenus dans des follicules, eux-mêmes stockés dans les ovaires. Chaque femme a un stock de follicules limité. Lorsque le stock de follicules s’épuise, leur sécrétion hormonale chute, en commençant par la progestérone, suivie par les œstrogènes.

Les ovaires produisant de moins en moins d’œstrogènes, le cycle menstruel devient irrégulier pour définitivement s’arrêter.

La ménopause est donc un changement hormonal physiologiquement programmé.

Mais cette nouvelle vie sans hormone féminine n’est pas anodine pour le corps car les œstrogènes interviennent dans plusieurs processus physiologiques comme la thermorégulation, la répartition des tissus adipeux, la fermeté et l’élasticité de la peau, la préservation de la densité minérale des os et la formation du tissu osseux, la tonicité des vaisseaux sanguins. Leurs fonctions anti-oxydante et anti-inflammatoire protègent quant à elles le tissu cérébral.

Même si les œstrogènes sont également produits par d’autres tissus comme le foie, le tissu adipeux ou encore les glandes surrénales, ce n’est qu’en petite quantité. A la ménopause, le corps doit donc s’habituer à vivre sans, et ce n’est pas sans conséquence sur son fonctionnement.


🌿 Une pause naturelle ….. et une valse de désagréments

Parmi les troubles de la périménopause, puis de la ménopause, les bouffées de chaleur sont citées par 7 femmes sur 10 et durent environ 7 ans ½. Comment gérer ces troubles dits climatériques, lorsque l’on est encore dans la vie active et que rien n’est prévu au sein des entreprises ?

Un rapport du Sénat souligne ainsi que la ménopause «reste un sujet largement absent des politiques de santé publique, et notamment des politiques de santé au travail, quand bien même la majorité des femmes ménopausées ou souffrant de symptômes périménopausiques exercent une activité professionnelle». (1)


Pendant la phase de transition vers l’arrêt définitif des règles, les sueurs nocturnes font également partie des troubles climatériques, même si toutes les femmes ne les ressentent pas.

Serviette de toilette sur le drap et l’oreiller, chemise de nuit ou pyjama de rechange au cas où, se coucher est toute une histoire lorsque l’on souffre de sueurs nocturnes !


A ces perturbations thermiques, s’ajoutent des perturbations de la sphère génito-urinaire. Les sécheresses vulvovaginales et les troubles urinaires (infections, fuites, envies fréquentes) apparaissent et s’installent souvent de façon permanente.


Une cohorte de désagréments différemment perçus est également rapportée par les femmes. Jambes lourdes et œdèmes, maux de tête, fatigue, insomnies, irritabilité, troubles de la mémoire, douleurs articulaires et/ou musculaires, modification de la silhouette, peau très sèche et plus fine…, la liste est longue.

C’est au total 94 % des femmes de 45 à 50 ans qui ressentent au moins un de ces symptômes (1).


🩺 La ménopause, ce n’est pas une maladie mais ce n’est pas sans impact sur la santé.

Les femmes ménopausées sont ainsi, comme les hommes, exposées aux risques cardiovasculaires En effet, la pression artérielle n’est plus aussi bien régulée du fait de l’absence d’œstrogènes qui favorisaient la fonction de la paroi des vaisseaux sanguins. Ces hormones participant également au « maintien d’un taux de « bon » cholestérol et à la prévention de l’athérosclérose », leur effet protecteur disparait (5). Sur ce sujet, des études sur les œstrogènes naturellement présents dans le corps même après la ménopause tendent à montrer qu’ils ne joueraient pas nécessairement ce rôle protecteur du système cardio-vasculaire qui leur a été attribué tout en n’excluant pas son rôle protecteur sur les femmes jeunes, en âge d’avoir un enfant. Ce point est donc à prendre avec précaution.


Du côté du squelette, les risques de fracture augmentent et sont liés notamment à la perte de la densité osseuse résultant en partie de la carence en œstrogènes.


Un bilan de santé au début de la ménopause est donc pertinent pour avoir un point de référence lors du suivi.


💊 Le traitement hormonal, la solution pour passer le cap ?

En France, en 2022, le THM (Traitement Hormonal de la Ménopause) n’est pris que par 6% des femmes (6) alors qu’elles étaient 50% en 2000. Que s‘est-il passé en 20 ans ?

En 2002, une étude américaine, l’étude WHI (Women Health Study), sème le trouble parmi les prescripteurs et leurs patientes. Les auteurs mettent en évidence le sur-risque de survenu d’un cancer (utérus, sein) ou de pathologies cardiovasculaires (AVC, infarctus) lors de la prise de THM. Or, cette étude ne portait que sur des femmes ayant reçu un THM plus de 10 ans après le début de la ménopause, présentant peu de symptômes mais un risque cardiovasculaire (5). Autre point important, le THM prescrit ne correspondait pas aux molécules prescrites en France.

«Depuis, le rapport bénéfice-risque de ce traitement a été réévalué et il apparaît globalement positif, en l’absence de contre-indications et sous réserve qu’il soit prescrit dans les 10 premières années de la ménopause physiologique (ou globalement avant 60 ans)» cite un article de l’INSERM (6).

Malgré cela il va falloir du temps pour que le THM retrouve la confiance des femmes et du corps médical.

En parallèle, il existe des alternatives décrites comme efficaces sur les bouffés de chaleur : l’hypnose et les thérapies cognitivo-comportementales. La phytothérapie, le yoga, la méditation, la sophrologie, l’acupuncture constituent des solutions qui peuvent améliorer le bien-être physique et psychologique.


🧠 Anxiété et dépression riment-elles avec ménopause ?

Très souvent citées parmi les troubles liés à la ménopause, l’anxiété et la dépression n’en seraient finalement pas une conséquence systématique.

C’est ce qu’affirment 26 chercheurs, permettant ainsi de rassurer les femmes qui s’inquiéteraient de vivre, au moment de la ménopause, une période dépressive.

Les risques de dépression ont ainsi été constatés chez des femmes associant au minimum 2 types de facteurs de risque parmi des symptômes sévères de la ménopause (bouffées de chaleur ou insomnies par exemple), des antécédents psychologiques (dépression antérieure) ou des facteurs sociaux (chômage, divorce) (7).


Mais comment mesurer l’impact psychologique de ce que notre société amène les femmes à considérer comme un «non-évènement» ? Pourquoi certaines se sentent écartées voire invisibilisées alors qu’elles ont encore tant à apporter ?


Je vous propose un pas de côté en s’intéressant aux animaux. L’orque et la baleine pilote sont les seules autres mammifères qui vivent longtemps après la fin de leur fertilité. Par quel miracle ? Les chercheurs qui ont étudié les orques ménopausées concluent qu’elles «peuvent améliorer la condition physique de leurs proches grâce au transfert de connaissances écologiques. La valeur tirée des aînées peut contribuer à expliquer pourquoi les femelles orques continuent de vivre plus longtemps après avoir cessé de se reproduire» (8).

Les femelles de ces animaux auraient donc la capacité d’être ménopausées parce que le groupe voit l’importance d’avoir des femelles âgées dans leurs organisations, statut que les «anciennes» des tribus de «chasseurs-cueilleurs» avaient elles-aussi. Pour aller plus loin dans la dimension sociétale de la ménopause, et de la vieillesse des femmes en général, je vous recommande l’essai de Marie Charrel « Qui a peur des vieilles ? » d’où j’ai extrait cet exemple instructif de la nature.


La ménopause représente environ 1/3 de la vie d’une femme. D’une personne à l’autre cette période sera vécue différemment : une souffrance pour les unes, une libération pour d’autres, les 2 à la fois pour certaines …….mais surtout pas une fin.



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Bibliographie

(1)Santé des femmes au travail : des maux invisibles - Sénat - Rapport d'information n° 780 (2022-2023), tome I, déposé le 27 juin 2023

(2) Statistiques INSEE

(3) Brigitte Letombe, gynécologue, membre du bureau du Groupe d'étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (Gemvi),

(4) Etude épidémiologique SWAN

(5) Inserm Ménopause Une meilleure sécurité d’utilisation des traitements hormonaux

(6) Florence A. Trémollieres, Gabriel André, Brigitte Letombe, Amélie Pichard, Bertrand Gelas, Patrice Lopès - Persistent gap in menopause care 20 years after the WHI: a population-based study of menopause-related symptoms and their management - Maturitas Vol 166 Published August 2022 - https://doi.org/10.1016/j.maturitas.2022.08.003

(7) Sciences et Avenir La ménopause liée à la dépression et à l'anxiété : 26 scientifiques disent non !

(8) Lauren J. N. Brent, Daniel W. Franks, Michael A Cant, Darren P. Croft - Ecological Knowledge, Leadership, and the Evolution of Menopause in Killer Whales- CellPress, 2015.


Sources

National Geographic La ménopause transforme le corps, et la science commence enfin à le comprendre

Groupe d’Etude de la Ménopause et du Vieillissement hormonal (GEMVi)

Coslov, Nina MBA; Richardson, Marcie K. MD, FACOG; Woods, Nancy Fugate PhD, RN, FAAN. Symptom experience during the late reproductive stage and the menopausal transition: observations from the Women Living Better survey. Menopause 28(9):p 1012-1025, September 2021. | DOI: 10.1097/GME.0000000000001805

Qui a peur des vieilles ? Marie Charrel

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