Vous l'avez sûrement déjà expérimenté en versant de l'eau chaude sur votre pare-brise pour tenter de le dégivrer.
Non seulement vous avez pris le risque de briser la vitre mais surtout, la glace a augmenté d'épaisseur🥶. Dommage!
Ce n'est pas magique, c'est physique et même thermodynamique!
Avant de porter ce nom, ce phénomène contre-intuitif est observé dès l’Antiquité. Aux environs de -350 avant JC, Aristote, philosophe et homme de sciences, décrit dans son livre Meterologica cette bizarrerie de la nature : « Beaucoup de gens, quand ils veulent refroidir l’eau chaude rapidement, commencent par la mettre au soleil ».
Près de 2300 plus tard un lycéen tanzanien, Erasto Mpemba, remet cette énigme sur le devant de la scène.
Nous sommes en 1963. Erasto a pour habitude de fabriquer de la crème glacée avec d’autres élèves et ce jour-là il ne reste plus qu’une place dans le congélateur. Il saute alors l’étape de refroidissement de la préparation faite de lait bouilli et de sucre tandis que son camarade, lui, saute l’étape de chauffage du lait.
Après 1h30 au congélateur, le bac d’Erasto contient de la crème glacée alors que celui de son camarade n’en est qu’au stade de liquide épais.
Voulant comprendre ce phénomène, le lycéen questionne ses professeurs mais il se voit raillé à de nombreuses reprises. Et pourtant Erasto vient, comme beaucoup de scientifiques avant et après lui, de découvrir par hasard un phénomène scientifique, faisant ainsi à son tour l’expérience de la sérendipité, cette capacité à faire une découverte inattendue et à en saisir l’utilité.
L’article qu’il rédigera 6 ans plus tard avec le Professeur Denis Osborne propose quelques pistes d’explications mais sans résoudre complètement cette énigme.
Mais ce phénomène porte désormais son nom : l’effet Mpemba !
En 2024, les scientifiques ne sont toujours pas d’accord sur l’explication de ce phénomène.
Premier sujet de désaccords, les biais expérimentaux.
Rugosité des parois du récipient, température de l’eau chaude, température et volume du congélateur, nature de l’eau utilisée, à partir de quand considère-t-on que l’eau est gelée, sont autant de paramètres qui créent des écarts d’une étude à l’autre.
Quant aux hypothèses, elles sont également nombreuses et aucune n’obtient l’adhésion unanime de la communauté scientifique.
🤔 Hypothèse n°1 : les phénomènes de convection
L’eau se refroidit / gèle plus vite en surface. Elle devient alors plus lourde et coule au fond du récipient. Elle est alors remplacée par l’eau « du dessous » qui à son tour va se refroidir et couler, créant alors des courants de convection. Plus l’eau est chaude au départ, plus les courants de convection sont importants. Ce qui expliquerait que l’eau chaude gèle plus vite que l’eau froide.
🤔 Hypothèse n°2 : les liaisons hydrogène
Vous le savez, le nom chimique de la molécule d’eau est H2O. Elle est donc composée de 2 atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène.
Lorsque plusieurs molécules d’eau sont en présence, elles vont se lier les unes aux autres grâce à des liaisons dites liaisons hydrogène. C’est-à-dire qu’un atome d’oxygène d’une molécule d’eau va se lier à l’hydrogène d’une autre molécule d’eau.
Ces liaisons hydrogène se font et se défont en permanence au sein de l’eau liquide, maintenant ainsi sa stabilité quel que soit son contenant ou les mouvements subits.
L’hypothèse serait que dans l’eau chaude, ces liaisons hydrogène stockeraient de l’énergie, qui en se libérant brutalement lors d’un passage à une température négative, libèreraient une énergie qui accélèrerait son refroidissement.
🤔 Hypothèse n°3 : le calcaire
Lorsque l’eau du robinet est chauffée, les minéraux constituant le calcaire sont « écartés » (c’est la fine pellicule blanche visible dans les bouilloires ou les bords de casserole).
Or la présence de minéraux retarderaient le gel de l’eau suivant le même principe que le sel sur les routes qui abaisse la température à laquelle l’eau va geler.
🤔 Hypothèse n°4 : la surfusion
Au-dessus de 0°C (et en-dessous de 100°C), l’eau est stable et sous sa forme liquide. En-dessous de 0°C, l’eau se solidifie, elle gèle, mais ce n’est pas automatique.
Si l’eau demeure dans un état calme (c’est-à-dire sans aucune vibration / secousse), sans aucune impureté (poussières dans un récipient, cristaux de glace), elle ne gèlera pas. Elle est alors en surfusion dans un état dit « métastable ».
Mais cet état peut basculer de façon imprévisible à la moindre vibration ou en trempant par exemple une cuillère dans le contenant. La cristallisation démarre alors pour ne plus s’arrêter, telle une réaction en chaîne.
L’effet Mpemba pourrait même être le cumul de plusieurs de ces hypothèses. En attendant le mystère reste entier !
La nature est facétieuse et propose bien des mystères à résoudre.
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Sources
Aristotle Meterologica Book 1, Part 12 (transl. Webster, E. W.) (Clarendon Press, 1923)
Mpemba EB, Osborne DG. 1969 Cool?Phys. Educ.4, 172–175. (doi:10.1088/0031-9120/4/3/312)
Sciences et Avenir Décembre 2020 - La recette des glaçons : l'effet Mpemba, ou quand l'eau chaude gèle plus vite que l'eau froide
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