De la soupe primitive d’où seraient issus les premiers organismes vivants sur Terre, nous n’avons pas encore percé tous les secrets.
Partons sur les traces de ces drôles de bestioles.
Dans le parc national du Yellowstone, aux Etats-Unis, la nature est aussi magnifique qu’hostile.
En road trip familial en 2011, je me souviens des pancartes qui accueillent les visiteurs à l’approche des sources chaudes. Les avertissements sont clairs, les pictogrammes de dangers sans équivoque. Malgré leurs couleurs chatoyantes, bien mal vous en prendra si vous y risquez un orteil ! Des eaux à plus de 40°C et surtout très acides, ont déjà fait disparaître certains randonneurs imprudents, et ce n’est pas une légende.
C’est dans ces conditions extrêmes que certaines algues rouges dites extrêmophiles, les Cyanidiophyceae, prolifèrent avec plaisir. Et elles ne sont pas les seules.
Debashish Bhattacharya, chercheur en génomique à l’université de Rutgers, et ses confères, ont publié le 09 avril dernier dans Communications Biology les résultats des études menées sur des prélèvements d’algues issues de la source Lemonade Creek. Via des analyses et séquençage de l’ADN, les scientifiques ont démontré que les algues étaient accompagnées de bactéries et de virus, les 2/3 d’entre eux étant des virus géants, associés aux algues rouges depuis probablement 1,5 milliards d’années.
"Ces travaux confirment l'idée que les virus sont présents partout où la vie cellulaire existe et qu'ils existent depuis au moins aussi longtemps qu'elle" déclare Mark Young, virologue environnemental de l'université de l'État du Montana.
Ces virus géants, les virologues ne les ont caractérisés qu’au 21ème siècle.
Il faut dire que jusque-là, ils brouillaient les pistes.
1992, un germe est isolé dans la tour de refroidissement d’un hôpital anglais de Bradford dans le cadre d’une enquête liée à une épidémie de pneumopathies. Initialement pris pour une bactérie notamment du fait de sa taille, la bestiole, baptisée Bradford coccus, donne du fil à retordre à Timothy Rowbotham, le microbiologiste qui l’a isolée.
1995, le Dr Richard Birtles apporte des prélèvements de cette "bactérie" à l’unité des Rickettsies de Marseille. Il faudra 8 ans pour que la nature de Bradford coccus soit percée à jour. En 2003, l’équipe de chercheurs marseillais conclut que Bradford coccus est en fait un virus géant. Il est rebaptisé Mimivirus pour «Microbe-mimicking virus», le virus qui mime un microbe.
Associée à l’unité Rickettsies, une autre entité marseillaise, l’unité du CNRS nommée IGS (Information Génétique et Structurale), enchaine les découvertes de virus géants au gré de prélèvements récupérés dans les eaux du Chili, en Australie ou encore dans les sols gelés de Sibérie.
4 familles sont à ce jour identifiées : les Mimiviridae, les Pandoraviridae, les Pithoviridae et les Molliviridae. Les Marseilleviridae étant à la limite du critère de visibilité, ils ne seront ici pas listés parmi les virus gérants.
Ces découvertes, toutes menées à Marseille, bouleversent la virologie. Le dogme datant de la fin du 19èmesiècle qui établissait que les virus sont non filtrables, mesurant moins de 0,2 micromètre, vole en éclats.
Les virus géants dépassent ainsi cette taille. Et ce n’est pas la seule fondation de la virologie qui s’effrondre dès la caractérisation de Mimivirus.
La complexité de leur ADN, codant plus de protéines que certaines bactéries, ou encore leur mode de réplication, font basculer la virologie dans un nouveau paradigme.
Les virus géants devraient-ils être considérés comme des êtres vivants et avoir leur propre classification au même titre que les eucaryotes, les bactéries et les archées ? La question reste en suspens.
Alors que Mollivirus sibericum, un virus géant contemporain de l’Homme de Néandertal, a été réveillé en laboratoire après un sommeil de plus de 30 000 ans dans les glaces de Sibérie, les chercheurs attirent l’attention des industriels des exploitations minières et pétrolières dans ces zones.
Ont-ils conscience des impacts du réveil potentiel d’un virus encore inconnu sur la santé des ouvriers ?
A ce jour, aucun des virus géants identifiés n’est dangereux pour l’homme mais on ne sait pas pour ceux que l’on ne connait pas encore souligne Chantal Abergel, la chercheuse de l’unité IGS du CNRS.
Finalement ces gigas virus sont partout, peuplent la terre depuis des temps immémoriaux et pourraient donc avoir joué un rôle dans l’apparition de la vie sur Terre. Mais ça c’est une autre histoire….
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Sources
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