Dès potron-minet, vous débordez d’énergie quand d’autres sont plutôt du soir. Inutile de lutter, c’est génétique, mais cela vient de beaucoup plus loin que de l’un de vos parents. Vous devez sûrement cette spécificité à notre lointain cousin, l’homme de Néandertal, et c’est la paléogénomique qui le dit.
Si, comme moi, vous n’en avez jamais entendu parler, suivez-moi pour découvrir cette discipline toute récente qui bouleverse l’histoire de l’Humanité.
Le 10 décembre 2022, Svante Pääbo reçoit le prix Nobel de physiologie ou médecine « pour ses découvertes sur les génomes d’espèces humaines éteintes et l’évolution humaine ».
L’anthropologue et biologiste suédois voit ainsi récompenser son travail et celui de ses équipes du Département de recherche en paléogénétique de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste qu’il a fondé en 1997 à Leipzig, en Allemagne.
Même si d’autres laboratoires font désormais autorité, l’Institut Max-Planck fait figure de référence dans ce domaine très récent des études génétiques menées sur des os ou dents issus de fouilles archéologiques.
Des techniques d’analyse d’ADN révolutionnaires font rentrer la paléogénomique dans une nouvelle dimension
Grâce aux dernières technologies de séquençage d’ADN à haut débit, les paléogénéticiens obtiennent désormais des résultats en quelques semaines versus 10 ans au début des années 2000.
Le séquençage de l’ADN nucléaire, celui qui renferme 99% du patrimoine génétique, est maintenant possible à partir d’ADN ancien forcément endommagé.
Les équipes de Svante Pääbo ont ainsi pu démontrer en 2010, via l’analyse ADN, que la phalange découverte en 2008 en Sibérie, dans la grotte de Denisova, provenait d’une nouvelle lignée humaine, ni Homo sapiens, ni néandertalienne : les dénisoviens.
C’est la 1ère fois qu’une espèce humaine est découverte grâce à une analyse génétique et pas uniquement anatomique.
En 2023, nouveau rebondissement : les chercheurs sont désormais capables d’extraire l’ADN présent dans des sédiments ou sur des objets.
Un groupe international de scientifiques publie en mai 2023 dans la revue Nature leur méthode révolutionnaire d’extraction de l’ADN sur des objets portés. Ils parviennent à extraire et analyser l’ADN extrait de la sueur présente sur une dent de cerf portée en pendentif par une femme il y a 20 000 ans !
À l’école primaire, il y a longtemps 😅, j’appris que l’Homme moderne était issu d’une succession d’évolutions partant du chimpanzé.
Je suis sûre que certaines et certains d’entre vous se souviennent encore de la fresque de dessins allant de l’Australopithèque à Homo sapiens en passant par Homo erectus et Néandertal, ne laissant aucune place à une cohabitation voire à des métissages.
Désormais, nous savons que nos génomes renferment environ 2% de gènes d’origine néandertalienne. En Asie du Sud-Est, en Australie, nous retrouvons également jusqu’à 4% de génome dénisovien.
Les Dénisoviens et les Néandertaliens ont vécu chacun dans leurs contrées mais les analyses génomiques démontrent qu’il y a eu des métissages.
De la même façon, des flux de transmission génétique de l’Homo sapiens vers Néandertal, et inversement, ont été découverts, confirmant que l’un n’a pas remplacé l’autre.
La disparition des Néandertaliens serait en fait liée à son incapacité à absorber les gènes Homo sapiens dans son patrimoine génétique au fur et à mesure de la baisse de la taille de sa population.
Les analyses génétiques corrélées à l'histoire des épidémies permettent d’identifier les processus de « sélection positive » et de « sélection négative » qui ont abouti au patrimoine génétique de l’Homme moderne.
Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Université de Paris Cité, du CNRS, du Collège de France ont ainsi mené une étude sur l’évolution du système immunitaire ces 10 000 dernières années. Leur publication de 2023 met ainsi en lumière que cette évolution est à double tranchant.
En favorisant des traits phénotypiques permettant une meilleure résistance à certains agents pathogènes, l’évolution entraîne le développement de maladies auto-immunes telles que le diabète de type 1 ou la maladie de Crohn et dès le Néolithique donc bien avant l’ère des vaccins et des antibiotiques.
Mais l’hérédité génétique n’explique pas tout. L’hérédité épigénétique et culturelle impacte également l’évolution humaine.
L’histoire de l’Humanité est loin d’être gravée définitivement dans le marbre !
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Sources
Liming Li et al., Recurrent gene flow between Neanderthals and modern humans over the past 200,000 years. Science 385,eadi1768(2024).DOI:10.1126/science.adi1768
Sciences et Avenir - 12 août 2024 - La trace d'Homo sapiens étudiée dans les gènes de Neandertal
Gaspard Kerner et Lluís Quintana-Murci, Paléogénomique et évolution du système immunitaire humain au cours des dix derniers millénaires. Med Sci (Paris) Volume 39, Number 6-7, Juin-Juillet 2023 496 – 499 DOI :https://doi.org/10.1051/medsci/2023070
INRAE Paléogénomique et évolution
Quand la paléogénomique élucide 10 000 ans d'évolution du système immunitaire - Institut Pasteur
La paléogénomique quelles avancées - INRAP
Hominidés - Évolution de l’homme, un dessin qui prête à confusion…
Crédits Illustration "Horizontal banner with glass model of molecule" Par frenta
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